19 Novembre 2024
Prévoyance

La prévoyance au féminin

Bertrand Crittin Par Bertrand Crittin
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Prévoyance: le grand écart

« La retraite, il faut s’y préparer ! » On peut considérer cette injonction comme un mantra, une formule sacrée qu’il est nécessaire de se répéter, et surtout de mettre en pratique. La prévoyance est certes un sujet vaste et complexe, pourtant trop peu de personnes y sont sensibilisées, ou alors que tardivement. Elles se soucient de leur retraite, et des finances qui en découlent, aux environs de 50 ans seulement, confirme Bastien Emery, planificateur patrimonial et financier à la Banque Cantonale du Valais (BCVS). Pour éviter les mauvaises surprises, planifier demeure essentiel.

Régulièrement, le système de prévoyance suisse (voir encadré) fait la une de l’actualité et nous rappelle son importance. Il y a quelques jours, le 22 septembre, le peuple suisse refusait une réforme du 2e pilier, la prévoyance professionnelle. Au mois de mars 2024, il acceptait l’initiative pour le versement d’une 13e rente AVS qui devrait entrer en vigueur en 2026. Enfin, la réforme AVS 21 est passé avec succès dans les urnes en septembre 2022, assurant pour les dix prochaines années le financement de l’AVS et le niveau des rentes. 

Le système de prévoyance suisse

Qui n’a pas entendu parler des trois piliers ? Ce sont les fondements du système helvétique de prévoyance vieillesse, invalidité et survivants. Les voici :

  1. La prévoyance étatique. On parle ici des cotisations AVS (assurance vieillesse et survivants), AI (assurance invalidité) et APG (assurance perte de gain), ainsi que des prestations complémentaires (PC). Il s’agit d’un système de répartition qui est financé à parts égales par l’employé et l’employeur. Il a pour objectif de couvrir les besoins vitaux des assurés.
  2. La prévoyance professionnelle, connue sous l’acronyme LPP. On est présence d’un système de capitalisation, lui aussi financé par l’employé et l’employeur. Les caisses de pension doivent garantir le maintien du standard de vie habituel.
    En moyenne, les deux premiers piliers visent à couvrir les 60% du revenu, au moment de la retraite.
  3. La prévoyance privée. Sous la forme d’une assurance vie mixte ou d’un compte bancaire de 3e pilier A, il s’agit d’un système de capitalisation financé entièrement par l’employé. Il vise à couvrir nos besoins supplémentaires à la retraite.
Des chiffres implacables

Au cœur de cette actualité, la BCVS a organisé, mardi 1er octobre, un événement sur son stand de la Foire du Valais à Martigny. La Banque avait invité une vingtaine de clientes pour aborder le thème de la « Prévoyance au féminin ». Ce focus n’est pas anodin. « Le système de prévoyance suisse ne calcule pas ses prestations de manière différente selon que l’assuré soit un homme ou une femme. Pourtant, il peut prétériter certaines situations de vie auxquelles les femmes sont statistiquement plus souvent confrontées », explique Bastien Emery. Des situations de vie ? L’arrêt de l’activité professionnelle suite à l’arrivée d’un enfant dans le couple par exemple ; ou la reprise du travail mais à un pourcentage réduit. 

En clair, il existe de gros écarts entre hommes et femmes dans le montant des rentes perçues, alors même que les femmes ont une espérance de vie supérieure à leurs homologues masculins. Les chiffres sont implacables et ils concernent les trois piliers. Ils nous sont livrés par l’Office fédéral de la statistique et datent de novembre 2023. Ainsi, le montant mensuel moyen de la rente AVS pour un homme est de 1’924 francs, il est de 1’744 francs pour une femme (-9%). L’écart s’agrandit pour les rentes LPP. Les hommes touchent 2’656 francs de moyenne, contre 1’611 pour les femmes (-39%). Il devient carrément abyssal lorsqu’il s’agit du capital LPP retiré. La somme moyenne atteint 307'774 francs pour les hommes et 136'150 francs pour les femmes (-56%). Quant au 3e pilier, le capital 3a retiré s’élève à 64'861 francs pour les hommes et 51'166 pour les femmes (-21%).

Le système de prévoyance suisse ne calcule pas ses prestations différemment selon que l’assuré soit un homme ou une femme. Pourtant, il peut prétériter certaines situations de vie auxquelles les femmes sont statistiquement plus souvent confrontées.

Planificateur patrimonial et financier, BCVS
Le rôle de la BCVS

Le cas de la LPP est très parlant. Prenons un exemple pratique. Pour un salaire annuel de 70'000 francs et des cotisations conformes aux prescriptions légales, une femme qui arrête de travailler entre 30 et 35 ans constatera une lacune de 41% dans sa caisse de pension, après cette interruption. Si en plus de cette pause, elle reprend son activité à un taux de 50% pendant 15 ans, la lacune sera de 64% à l’âge de 50 ans. Ce manque représente les deux tiers de ce qu’elle aurait accumulé en n’ayant pas adapté sa carrière à ses exigences familiales. 

Ces variations chiffrées ont surpris les invitées de la BCVS. Mais il y a de bonnes nouvelles. Ces écarts peuvent être comblés, en principe lorsque la personne reprend un taux d’occupation plein ou plus élevé : par le rachat de cotisations individuelles, par le choix d’un meilleur plan de cotisation, ou par un mélange de ces deux cas de figures. Chaque situation est singulière, et mieux vaut se faire conseiller. « Le rôle de la BCVS est de sensibiliser les gens à ces thématiques. La Planification patrimoniale et financière a pour ambition d’offrir aux clients de la Banque une appréciation de leur situation globale et un conseil à 360 degrés », relève Bastien Emery. La planification englobe également la thématique du 3e pilier et de son optimisation.

La prévoyance est une affaire personnelle, mais ses enjeux sont globaux. Le vieillissement de la population, l’accroissement de l’espérance de vie, des taux d’intérêt à des niveaux bas ont une influence sur les prestations. Ces phénomènes iront en s’amplifiant ces prochaines années, péjorant le système de prévoyance suisse. « De petites améliorations sont refusées, à l’image de la dernière votation sur la LPP. Or, le système suisse a besoin d’une révolution », estime Bastien Emery. Préparer sa retraite, et se faire conseiller par des experts, est d’autant plus important.

Des outils pratiques

Au-delà des conseils que peut fournir la Banque Cantonale du Valais (BCVS) sur la prévoyance, il existe quelques outils pratiques pour connaître les montants que vous toucherez au moment de la retraite. Sur le site www.ahv-iv.ch, plusieurs formulaires sont à votre disposition. Ils vous permettront de calculer une rente AVS future, de commander un extrait de compte individuel, et de réaliser des simulations sur sa rente prévisible, selon les situations. Pour le 2e pilier, des recherches d’avoirs de la prévoyance professionnelle sont possibles auprès du Fonds de garantie LPP. Enfin, le site de la BCVS met à disposition des utilisateurs un calculateur permettant d’estimer le rendement de votre 3e pilier.