10 Février 2025
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Market Weekly - Le retour des taux négatifs ?

Mathias Cotting Par Mathias Cotting
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Des taux négatifs en Suisse, pour cette année ?

Dès octobre de l’année passée, les premières rumeurs de taux négatifs ont resurgi, alors que les finances françaises inquiétaient avec une Assemblée nationale divisée, et que l’Allemagne annonçait organiser des élections anticipées pour février 2025. En parallèle à ces développements économiques et politiques inquiétants en Europe (qui ont provoqué notamment une baisse du taux de change euro - franc suisse), l’inflation en Suisse diminuait rapidement d’un niveau de 1,1% en août, pour atteindre 0,6% (en variation annuelle) durant le dernier trimestre 2024. Durant cette période, les marchés financiers ont attribué une probabilité de 20% de voir les taux négatifs revenir chez nous à l’horizon fin 2025. 

Un choc est nécessaire en 2025 pour voir les taux négatifs revenir 

Actuellement, cette probabilité a baissé, se situant à 10%, alors que l’euro est légèrement remonté depuis les niveaux très bas. La dernière perspective de la Banque nationale suisse (BNS) indique une inflation à 0,3% en 2025. Cette situation devrait l’inciter à réduire à nouveau son taux directeur en mars (de 0,5% à 0.,25%). Une 2e baisse de taux est possible en juin prochain, en fonction de la direction que prendront l’inflation et le taux de change euro - franc suisse. Et ensuite ? 

Imaginer un retour aux taux négatifs impliquerait un choc de nature à faire baisser davantage encore l’inflation en Suisse. A l’heure actuelle, ces possibles chocs restent liés à l’Allemagne et à la France. Par conséquent, notre scénario principal n’inclut pas les taux négatifs en 2025, mais on ne peut pas totalement l’exclure. Dans tous les cas, la limite n’est plus très loin : en mars les taux devraient atteindre 0,25%, en juin ils pourraient être ramenés jusqu’à la barre symbolique du 0%. 

En mars les taux devraient atteindre 0,25%, en juin ils pourraient être ramenés jusqu’à la barre symbolique du 0%.

Economiste responsable, BCVS
Des taux négatifs dans les années 70

L’histoire des taux d’intérêt en Suisse est passionnante. Tout le monde se rappelle probablement les taux négatifs entre 2015 et 2021, mais ce n’était pas la première fois. En effet, si la page Wikipedia « Taux d’intérêt négatifs » mentionne quelques épisodes aux États-Unis, la Suisse y occupe une grande place. 

Au début des années 1970, la BNS avait introduit une pénalité de 2% sur les achats de franc suisse par des non-résidents. Durant ces années, et après le premier choc pétrolier de 1973, la BNS a introduit des taux négatifs sur les avoirs des non-résidents. Avec un franc suisse trop cher, le taux négatif appliqué aux avoirs étrangers a même atteint 12% ! Puis, la cherté du franc suisse s’est accentuée et le taux négatif a été fixé jusqu’à 41% !! A la fin des années 1970, la BNS change de stratégie et contrôlera les taux de change directement. 

Une question de temps

Dans l’histoire, le franc suisse cher a été un facteur capital pour la BNS. A quelles perspectives faut-il s’attendre ? En Suisse, les dettes de l’État sont victimes d’un cercle vertueux (l’endettement faible favorise des taux bas notamment), alors qu’en Europe les dettes d’États restent problématiques. Et ce problème, sous-estimé, pourrait s’accentuer en raison du vieillissement de la population. Et si un jour l’Europe devait baisser ses taux proches de 0%, pour contrer un souci économique ou parce que les dettes de certains pays inquiètent (comme durant les années 2011 lorsque les dettes grecques faisaient peur), il y aurait des conséquences pour le franc. Il restera une valeur de premier ordre et la force de notre devise continuera à maintenir une inflation faible. La BNS aurait alors pour ainsi dire presque aucune autre alternative, que de réduire encore ses taux. 

En conclusion, si les taux négatifs ne se matérialisent pas en 2025, ça ne pourrait être qu’une question de temps.